Je souhaiterais vous présenter un livre que je considère comme l’un des plus grands romans du 20ème siècle, un livre qui a sa place à côtés des œuvres de Thomas Mann ou de Marcel Proust. Malheureusement, l’auteur, Robert Musil (1882-1942) est mort au cours de la rédaction de son œuvre, pour laquelle il aurait accumulé des brouillons dès 1920. Mais cette absence d’achèvement n’altère pas le charme, la force, l’intelligence et la complexité de l’Homme sans qualités.
Un jeune homme autrichien, dont la famille a été récemment anoblie par la grâce de l’Empereur, cesse toute activité, en 1913. Il se donne un an pour découvrir qui il est ou mourir. Cette quête personnelle le pousse à questionner des sujets topiques mais délicats, comme la fonction de l’art, la réalité et la possibilité, l’amour, la science…
Le lecteur ne doit pas croire qu’Ulrich a l’intention de ruminer un an dans sa maison, tel un sage pascalien. Ulrich est le point de rencontre d’individus et de milieux très divers : Clarisse et son mari Walter les wagnériens, Moosbrugger criminel et point de litige juridique, les amantes, sa sœur Agathe la femme libérée, sa cousine amoureuse Diotime…
Le plus grand concentré de rencontres d’Ulrich est sans aucun doute l’Action Parallèle, un vaste projet politique qui a pour but officiel de célébrer le 70ème anniversaire du règne de l’Empereur, pour but officieux de montrer au monde la force de l’Autriche (notamment face à son adversaire historique la Prusse) et pour fonction de rallier le capital et la culture.
Chargé par son excellence le comte Leisendorf d’en être le secrétaire, il y croise l’élite artistique, scientifique, politique et industrielle de son temps. L’impossibilité de construire un projet collectif et l’impossibilité d’inscrire dans le réel une idée seront le motif de désespoir des animateurs de l’Action Parallèle mais révèleront Ulrich à lui-même.
Version française présentée par Jean-Pierre Cometti, et traduite par Philippe Jacottet.
Mikolka
Bienvenue chez Enlivrezvous, Mikolka! Je suis ravie de beneficier de ton jugement critique aiguise pour enrichir le blog ;-)
Rédigé par : Milou | 30 septembre 2007 à 22:36
j'ai ce livre phare depuis très longtemps, et... je ne suis jamais arrivée à le lire... Il m'est toujours tombé des main. Je suis en train de lire la fille sans qualité de julie zhe, qui y fait référence... Ton article vient me conforter dans l'idée qu'il faut que je m'y attaque!
Rédigé par : sylvie | 02 octobre 2007 à 17:21
Chère Milou, je tiens à te dire, comme en un certain film, "the honour is mine".
Chère Sylvie, je conçois tout à fait que l'Homme sans qualités puisse tomber des mains du lecteur.
Première raison: comme le disait les Anciens à propos d'Homère, "le poète sommeille parfois".
Deuxième raison: la lecture d'un livre est semblable à toute expérience esthétique, elle est avant tout un plaisir individuel (mais fondée sur des raisons ou des causes objectives). Relatif à celui qui l'éprouve, le plaisir diffère d'un individu à un autre. J'aime ce livre, mais je conçois que quelqu'un d'autre reste indifférent.
Troisième raison: car un livre de ce type, où il ne se passe rien, peut tout à fait laisser indifférent. L'homme sans qualités est semblable aux oeuvres de Marcel Proust, de Virginia Woolf (à propos desquels je laisserai des billets bientôt) et de nombreux auteurs modernes: c'est l'exposition du flux de conscience qui prime sur l'objectivité des événements. Et toutes les consciences ne sont pas intéressantes! Ou toutes ne suscitent pas de l'intérêt. Ou toutes ne procurent pas du plaisir.
Conclusion: ne vous forcez pas à lire un roman pour lequel vous n'éprouvez pas de plaisir (sauf si vous vous interrogez sur ce qui constitue les sources du plaisir esthétique).
Rédigé par : Mikolka | 02 octobre 2007 à 18:13
moi j'avoue que lire un livre aussi gros quand je sais qu'il n'est pas fini et que je vais regretter le jour ou je suis nee lorsque j'arriverai au trou (bien sur au moment le plus fatidique), ben ca me gonfle un peu, voila, pour tout dire... (Without hard feelings, Mikolka)
Rédigé par : Nevorik | 02 octobre 2007 à 20:45
Chère Névorik,
Il existe deux types de plaisir dans la lecture, me semble-t-il, qui correspondent chacun à deux types de romanesque.
Le plaisir de satisfaction correspond aux romans où l'intérêt est dans la fin. Le lecteur est attiré vers cette fin comme par une force magnétique. Et sans cette fin, le reste est incompréhensible et incomplet. Dans cette catégorie, je range les romans policiers, fantastiques, sentimentaux... Avec la connaissance de la fin meurt l'envie de lire ce type de romans.
Le plaisir du désir correspond aux romans où le chemin prime sur la fin. La connaissance de la fin ne change rien à la jouissance du lecteur, puisque le plaisir ne consiste pas dans les hypothèses que peut émettre le lecteur pour trouver la fin. Ce genre laisse donc par essence insatisfait. Plus vous le lirez plus vous aurez envie de le lire, car chaque fois l'impression d'avoir manqué quelque chose se fera plus forte. Et pourtant ce n'est pas ce quelque chose qui manque qui vous procurera du plaisir, mais le fait de suivre le chemin du romancier. Ce n'est donc pas comme le premier un plaisir spéculatif ou de connaissance, mais un plaisir pratique. "Pratique" parce qu'il invite à l'écriture. Et l'Homme sans qualités fait partie de ceux-là.
Without hards feelings, my dear. But think hard.
Rédigé par : Mikolka | 11 octobre 2007 à 16:35
Bonsoir!
Je voudrais souhaiter une excellente année 2009 à toute la bande des rédacteurs d'Enlivrez-vous, ainsi qu'à leur famille.
Je signale aussi que je viens de publier un billet sur mon blog à propos de Musil. Si vous êtes intéressé, voici le lien: Weininger, Wittgenstein, Musil.
Amicalement
Rédigé par : Mikolka | 07 janvier 2009 à 22:50
Bonne année à toi Mikolka ! Je suis très heureuse de savoir que tu as ouvert un blog, il nous permettra d'alimenter d'autres débats sur la littérature !
Rédigé par : céline | 08 janvier 2009 à 20:15
Merci!
Mon blog est ouvert depuis plusieurs mois déjà. Il comprend un peu plus de 90 billets. C'est un blog de logique mathématique, de philosophie des sciences et de psychologie (neurosciences). Les amateurs ne trouveront peut-être pas sur mon blog de quoi nourrir leurs insatiables fringales de littérature...
Deux billets sur Montaigne sont cependant prévus dans les jours qui viennent. Et je n'exclus pas de parler de littérature à nouveau dans un futur plus ou moins lointain.
A bientôt!
Rédigé par : Mikolka | 08 janvier 2009 à 21:00
Ah ! Celui-ci est dans ma PAL depuis que Kundera en a parlé. Donc depuis des années, mais je me suis promis de le lire en 2009 !
Rédigé par : Léthée | 14 janvier 2009 à 21:34
Mon mari me pousse à le lire depuis un bon moment, mais j'avoue que son imposant volume me rebute un peu.
Rédigé par : Aliénor | 22 janvier 2009 à 16:01
Aliénor: une lectrice qui aurait peur d'un livre. On aura tout vu!
Rédigé par : Mikolka | 10 février 2009 à 10:42
Je suis en train de lire "L'homme sans qualités" de Robert Musil.
Qu'il est étrange ce roman! il est à la fois étrange et ennuyeux et pourtant je continue à le lire parce ce serait un des romans les plus importants du XX ème siècle et parce que ,comme l'a dit un des intervenants,"Plus vous le lirez plus vous aurez envie de le lire, car chaque fois l'impression d'avoir manqué quelque chose se fera plus forte"
Les peronnages me paraissent être des ectoplasmes qui dissertent à l'envi, d'une façon confuse, sur sur l'Etre, la philosphie et la politique .
Est-il donc possible de parler de roman pour une telle oeuvre ? ne s'agirait -il pas plutôt d'une réflexion philosphique qualifiée de roman ?
Ce "roman" ne pourra jamais être grand public alors que "La nausée" , oui.Il y a toutefois des ressemblances entre ces deux romans , ne serait-ce que par l'interrogation sur la réalité de ce monde avec tous les potentiels possibles qu'il recèle.
Ce "roman" ne pourra jamais être grand public? alors que "A la recherche du temps perdu" peut accrocher le grand public parce que les personnages vivent devant nos yeux .
Ce "roman" ne pourra jamais être grand public, car l'écriture est aussi sèche quen compte-rendu d'un accident entre deux automobilistes.
Ce "roman" ne pourra jamais être grand public, car toute poésie en est absente.
Mai que veut donc nous dire ce roman ?
Il est vrai que je ne suis q'à la page 194 du tome 1de la nouvelle édition du Seuil.
Chers amis inconnus, j'aimerais connaître vos réactions quant à votre an lyse.Encoragez-moi pour que je le termine!
Vive la littérature !et avec toute mon amitié.
Rédigé par : Rastignac | 26 février 2011 à 15:35
A Mikolka
Bravo pour votre excellente anlyse
Rédigé par : Rastignac | 16 mars 2011 à 13:20
Bonjour Rastignac, merci pour votre commentaire enthousiaste ! N'ayant pas lu "L'homme sans qualité", je ne peux malheureusement pas participer au débat... Mikolka n'a publié que cette note sur ce blog et je ne sais pas s'il lit souvent les commentaires... Bonne journée !
Rédigé par : céline | 27 mars 2011 à 11:42
D'accord avec tout ce qui s'échange : en particulier l'angoisse devant la masse de l'oeuvre , mais aussi la densité des themes , le caractere parfois difficile à saisir du sens des idées exprimeés, les va et vient de la pensée Mais personnages passionnants. Je crois qu'il faut mériter ce livre.
Rédigé par : dantés | 05 février 2012 à 11:39
Un livre que je n'ai toujours pas mérité... Peut-être un jour !
Rédigé par : céline | 06 février 2012 à 09:06
Il faut absolument diffuser ce livre c'est un chef d'oeuvre : je n'ai lu que les trois premières pages (je suis étudiante j'ai plein d'autres teucs à lire) et cela me suffit pour l'affirmer.
Très bon blog btw,
Alice
Rédigé par : InMusilWeTrust | 07 mars 2013 à 23:09