Alysia Abbot a grandi seule avec son père, poète homosexuel, dans l'effervescence du San-Franciso des années 70-80. Elle raconte l'univers qui leur a créé, la liberté, les jeux, cet amour unique qui la lie à ce papa qui ne ressemble à aucun autre.
La honte aussi de la différence, de l'exubérance, ce besoin de normalité qui s'accentuera à l'adolescence, la solitude et le sentiment de ne trouver sa place nulle part.
Puis le sida, fléau inattendu qui décimera tant de visages connus et aimés dans son enfance. Le sida contre lequel elle se mettra en colère lorsqu'à l'aube de sa vie d'adulte, elle devra quitter New-York pour soigner et accompagner son père. Le sida qui finira par le lui enlever. Et voilà comment je me suis retrouvée à pleurer le nez dans mes tartines à 7h du matin.
C'est pourtant un témoignage sobre et sans pathos qu'est celui d'Alysia Abbot. Elle nous parle d'une époque révolue, où un vent de liberté soufflait, où l'envie de se réinventer et de trouver de nouvelles normes se confrontait aux valeurs conservatrices, où le sida signifiait encore sentence de mort à court terme et tuera des milliers de personnes en l'espace de quelques années.
J'y ai découvert la communauté gay et poète à San-Francisco, les gay pride, les lynchages, le militantisme d'Harvey Milk et ses détracteurs menés par Anita Bryant. Amusant de voir que les arguments contre les droits des homosexuels de 1977 sont en tous points ressemblants à ceux utilisés par "Famille pour tous". La bêtise et l'intolérance ne se sont pas beaucoup renouvelées en 40 ans.
Un petit extrait du journal tenu par Steve Abbot en 1975, malheureusement si peu prémonitoire :
" Je ne m'efforce pas de faire d'elle une homo. Je ne dissimule pas mon homosexualité pour qu'elle devienne une adulte hétéro. Mais elle peut voir qu'il y a de nombreuses orientations et maintes façons d'être. Espérons que lorsqu'elle sera adulte nous vivrons dans une société où les dichotomies homo-hétéro et homme-femme ne seront pas si importantes. Où les gens pourront simplement être ce qui leur paraît le plus naturel, là où ils sont le plus à leur aise."
Un récit passionnant, et surtout, une magnifique histoire d'amour. Celle d'une fille et de son père.
"Cet endroit où papa et moi avons vécu ensemble, notre Fairyland, ce royaume des fées, n'étais pas factice ; il s'agissait d'un endroit bien réel peuplé de gens tout aussi bien réels et j'y étais. Et si je n'ai plus habité à San Francisco depuis 1994, et si ma vie aujourd'hui est très différente de notre vie à l'époque - papa la qualifierait certainement de "bourgeoise"-, je suis pleinement un produit de ce monde. J'ai beau être hétéro et ne plus avoir de parent homo depuis plus de vingt ans, j'ai toujours le sentiment de faire partie de cette communauté queer. Cette histoire des gays est mon histoire des gays. Cette histoire gay est notre histoire gay à tous."
Céline
Quelle belle critique passionnée et passionnante ! Tu devrais plus souvent pleurer le nez dans tes tartines ;-) Trop chouette de te relire ici !
Rédigé par : Christelle H. | 09 juillet 2016 à 10:45
Oh merci Chris ! Et oui c'est reparti, le blog me manquait trop :-)
Rédigé par : Céline | 09 juillet 2016 à 10:57
Alysia Abbott fait partie de ces auteurs invités au festival America en septembre que je ne connais pas. Merci pour cette découverte !
Rédigé par : Sandrine | 09 juillet 2016 à 14:02
Génial, te voilà de retour ;) ! Avec une magnifique critique !
J'ai lu que Sofia Coppola allait adapter cette histoire au cinéma :
http://www.lesinrocks.com/2015/03/20/livres/alysia-abbott-plongee-dans-le-san-francisco-gay-des-seventies-11605049/
Bel été à toi !
Rédigé par : Marie | 10 juillet 2016 à 12:30
Il est dans ma pile à lire depuis sa sortie en poche ! Contente de lire ton avis !
Rédigé par : Kathel | 11 juillet 2016 à 08:30
@Sandrine : Tu as de la chance de la rencontrer ! J'espère que le livre te plaira si tu le lis :-)
@Marie : Oui l'envie de revenir me titillait depuis quelques jours déjà :-) Je verrais sûrement le film, merci pour l'info !
@Kathel : J'espère qu'il te touchera tout autant !
Rédigé par : Céline | 11 juillet 2016 à 11:03
voilà un sujet bien d'actualité et comme tu le dis, rien n'a vraiment changé en 40 ans - je pense que je vais aller me promener chez le libraire :)
Rédigé par : niki | 11 juillet 2016 à 11:28
En plus il est en poche !!! C'est une belle lecture, touchante et édifiante par beaucoup d'aspects !
Rédigé par : Céline | 11 juillet 2016 à 12:10
En m'attaquant à ce récit, je craignais une sorte d'hagiographie du père disparu, une vision idéalisée d'une enfance exceptionnelle en bien des points mais désormais perdue.
Mais rien de tout ça. Alysia Abbott reste lucide et ne tait pas les quelques moments où cette vie bohème lui a pesé, à devoir être "la mère" de son père alors qu'elle n'était qu'une enfant.
Bref, un rès beau récit et une évocation passionnante du monde LGBT de la côte Ouest dans les années 70s.
Rédigé par : ex_ICB | 11 juillet 2016 à 12:35
Tout à fait ce n'est pas une vision "Bisounours" ! J'ai beaucoup aimé justement par ce que son témoignage est sincère, il relate l'amour comme les difficultés.
Rédigé par : Céline | 11 juillet 2016 à 13:41
Une belle critique sur un récit qui a l'air intéressant !
Rédigé par : krol | 11 juillet 2016 à 15:05
En effet, on sent que ce livre t'a plu et touchée !
Oui la Manif pour tous...hum hum, ils sont restés au moyen âge les pauvres.
Harvey Milk, le nom me parle, je crois avoir vu un film sur lui à une époque...
Rédigé par : Mind The Gap | 11 juillet 2016 à 16:35
Un livre que j'avais déjà repéré et ton avis m'incite encore plus à le lire.
Rédigé par : Brize | 11 juillet 2016 à 18:57
un livre à lire et une beau billet pour un retour remarqué, merci d'être là!
Rédigé par : luocine | 11 juillet 2016 à 21:48
Merci merci cela fait tellement plaisir de retrouver vos petits noms par ici :-) Je ne peux que conseiller ce livre, vraiment, surtout si le sujet vous intéresse !
Rédigé par : Céline | 12 juillet 2016 à 15:24
Je veux bien te croire quand tu dis qu'il est passionnant !
Rédigé par : jerome | 13 juillet 2016 à 12:49
Mais oui crois moi :-)
Rédigé par : Céline | 19 juillet 2016 à 11:22
Il me tente depuis ton billet ...vu en librairie...à suivre ;-)
Rédigé par : Mior | 02 août 2016 à 15:08
Rho oui laisse toi tenter Mior !!!!
Rédigé par : Céline | 02 août 2016 à 17:49