"Elle était désormais maman, ou en tous cas une quasi-maman de famille nucléaire, et elle sentait le besoin d'instaurer des priorités, comme tout parent, cette sensation qui consiste à moins se soucier des problèmes globaux du monde - une sensation qui semble égoïste vue de l'extérieur, mais qui est tellement inévitable - car le foyer est déjà en soi un univers assez dense et peuplé de défis sans cesse renouvelés."
Années 2000, Jared et Milly, couple d'artistes new-yorkais, vivent un amour passionnée dans le cocon de leur appartement au Christodora, immeuble historique de l'East Village. En animant un atelier de peinture dans un foyer, Milly a le coup de foudre pour Mateo un petit garçon sensible, talentueux et réfléchi, et décide avec Jared de l'adopter.
Années 80, le sida fait son apparition et Ava, Hector et des centaines d'autres militants et travailleurs sociaux tentent de mobiliser le gouvernement pour reconnaître la maladie et trouver des traitements. Issy, jeune latino atteinte du sida, renonce au soutien de sa famille pour parler haut et fort dans les médias et réclamer des soins pour les symptômes spécifiques aux femmes, totalement niés par les services de santé.
Année 2010, Mateo est adolescent, petit prodige au sein de son école d'art, il plonge cependant peu à peu dans la drogue et cherche à trouver des réponses sur ses racines et son identité.
L'auteur nous plonge dans un va et vient constant entre ces décennies, et peu à peu les liens se tissent entre les personnages et les époques.
A la fois mémoire aux activistes de la lutte contre le sida, portrait de New-York et de son évolution, tragédie familiale et ode à l'art sous toutes ces formes, ce roman riche et foisonnant m'a passionnée et bouleversée de bout en bout. Journaliste, Tim Murphy documente et étaye son propos tout en construisant des personnages touchants et profondément humains. La mort et l'injustice sont omniprésentes à travers la maladie, la ville qui s’embourgeoise, l'intolérance, la drogue, mais l'espoir et la rédemption se niche parfois au cœur d'une relation humaine ou d'un trait de pinceau.
Voilà longtemps qu'un roman ne m'avait pas emportée dans le souffle de son récit avec tant de force et de conviction.
"Tu ne veux pas l'admettre, mais tu le sais. C'est terminé. C'est fini le sida. T'as gagné. Il reste encore plein de choses à faire, mais... C'en est fini de ce putain de sida, termine-t-il en chantonnant d'un air sarcastique. Nous sommes les derniers fantômes des années sida. Nous avons gagné la guerre, Karl. "
Céline
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