"Je n'ai jamais bien saisi ce qu'ils rêvaient que je devienne ni ce que le mot "succès" recouvrait pour eux exactement. Une voie royale vers les arcanes du pouvoir ? Une oeuvre littéraire pérenne ? Un chef-d'oeuvre cinématographique ? Des montagnes de billets de banque, des conquêtes féminines à la pelle, des kyrielles de coupes de champagne ? Rien de tout cela n'est arrivé, mais c'est sans importance puisqu'il n'y a plus personne pour témoigner - je ne vois plus aucun de mes amis de lycée, mes parents sont morts et mes professeurs attendent patiemment leur place au cimetière."
Louis Claret, professeur d'anglais en fin de carrière, reste investit dans son travail malgré un certain désenchantement. Séparé depuis quelques années, ses deux filles parties pour vivre leur vie, il se laisse porter par un quotidien simple et solitaire.
Un soir, afin de tromper l'ennui, il se rend à l'exposition d'un ancien élève discret, Alexandre Laudin, devenu un artiste de renom. Se sentant peu à sa place, il se tient à l'écart des mondanités lors du vernissage. Les retrouvailles avec son ancien élève vont pourtant venir bouleverser la monotonie de son quotidien et l'amener à faire un point sur sa propre vie.
Jean-Philippe Blondel nous livre ici un très beau roman sur l'art et cette période particulière où une partie de sa vie est derrière soit et qu'il faut réinventer une manière d'exister pour les années à venir.
"Il y a quelques années, non. Bien sûr que non. Je voyais mon existence comme une course d'obstacles et je me représentais en athlète du quotidien, jonglant avec les obligations de mon métier, l'éducation de mes filles, le souci de préserver mes amitiés et les moments où je pouvais m'adonner à la lecture. Petit à petit, tout cela s'est délité. Me restent de longues plages où je contemple les jaquettes des romans que j'ai achetés et que je n'ouvre plus que rarement. En élargissant mon horizon, ma vie s'est rétrécie. Ce n'est pas un paradoxe. C'est notre lot à tous. Quand les contraintes s'estompent, nous ne savons comment occuper notre liberté nouvelle"
Entre souvenirs et instants présents, c'est tout en pudeur que cette mise à nu s’opère et nous révèle cet homme, ces rêves, ces déceptions, ces amitiés perdues et ses quelques fiertés. J'ai eu beaucoup de plaisir à rencontrer Louis Claret, et découvrir cette relation si particulière de l'élève et du professeur, qui prendra une toute autre forme à l'âge adulte en devenant celle du peintre et du modèle.
J'ai aimé aussi les touches d'humour un peu désabusées, et l'espoir toujours présent.
Une rétrospective intime, teintée de douceur et de mélancolie.
Céline
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