Que serais-je devenu si... ? Quelle est la part d'innée, la part d'acquis ? Quelle multitude de choix, de hasards, de rencontres participent à ce que nous sommes ?
Archie Ferguson, petit-fils d'immigré juif, est né en 1947, d'une mère photographe et d'un père propriétaire d'une boutique de meubles. Selon le tour des événements pris, fortement influencé par les frères assez toxiques du père, la vie d'Archie va prendre des cheminements très différents d'un point de vue familial, social et intime.
Nous suivons donc 4 versions d'un même Ferguson, héros épris de littérature, de sport (baseball ou basket), des villes de New-York et de Paris, et d'une certaine Amy.
De l'enfance à l'orée de l'âge adulte, nous voyons le personnage découvrir ses premiers romans, ses premiers films, tomber amoureux, s'émouvoir avec l'Amérique entière de l’assassinat de Kennedy, vivre ou observer les émeutes contre la guerre du Vietnam, s'interroger sur le racisme ambiant.
Si le livre est long, je n'y ai pourtant pas trouvé de répétition, car Paul Auster sait s'y prendre pour nous raconter une histoire et rendre ses personnages vivants. J'ai au départ fait des annotations pour suivre les différentes versions, mais je me suis rapidement laissée emporter par le plaisir de la narration.
Paul Auster va ici beaucoup plus loin dans sa théorie du hasard, puisque chaque destin de Ferguson va être déterminé par des infinités de circonstances infimes mais conséquentes. Ce qui est amusant, c'est que le caractère d'Archie est assez semblable dans les 4 versions, comme si Auster conservait une croyance en la part d'inné chez l'humain. Il sera toujours intellectuel, un peu naïf, observateur, et très passionné. J'ai personnellement eu un vrai coup de cœur pour le Archie de la troisième version, car c'est le personnage le plus ambivalent, celui qui se bat le plus avec la notion de bien et de mal.
La fin quant à elle est parfaite, car il est difficile de clore une telle œuvre et Paul Auster y parvient magnifiquement en donnant un sens aux quelques 1000 pages précédentes.
Tout au long de ma lecture, j'ai été impressionnée par la force romanesque qui s'en dégage, jamais Auster ne tombe dans la théorie littéraire ou la démonstration.
Seule m'a manquée cette petite once de magie,d'étrangeté que l'on trouvait dans ses premières œuvres. Je suis heureuse d'avoir lu cette grande fresque américaine, superbe et éloquente, mais je regretterai toujours le Paul Auster du Livre des illusions, de Moon Palace et de Mr Vertigo.
Un premier pavé de l'été jeté dans la grande mer du challenge de Sur mes Brizées !
Céline
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