Années 2000, Ann, professeur de piano, assiste impuissante à la démence précoce de Wade, l'homme qu'elle aime. A mesure que la mémoire de Wade s'étiole et que de brusques accès de violences le possèdent, Ann retourne sur le passé de son compagnon et chercher à comprendre la tragédie survenue une dizaine d'années plus tôt. En effet, par une chaude journée de juin, Jenny, la première épouse de Wade, a tué leur fille cadette d'un coup de hache. June, leur fille aînée, s'est enfuie et n'a jamais été retrouvée...
Les premières pages de ce roman m'ont comme envoûtée. L'écriture d'une sensualité troublante m'a tout de suite transportée près des personnages, il me semblait sentir Wade, voir ses mains rugueuses tailler des couteaux, entendre le son du piano d'Ann, respirer le parfum un peu aigre de June à l'orée de l'adolescence. La tension et l'envie de comprendre m'ont tenue en haleine toute la première partie de livre, j’espérais tant, à l'instar d'Ann, mettre des mots sur cette infanticide, l'expliquer et surtout connaître le sort réservée à cette pauvre June.
Mais l'auteure nous balade d'une époque à l'autre, et les scènes s’enchaînent des années 70 aux années 2020, sans que le récit n’avance réellement. A force de disséminer des indices, j'ai fini par me faire une petite idée du pourquoi, mais ce début d’explication me semble bien faible pour justifier un tel geste, et j'ai refermée le livre particulièrement frustrée.
Alors oui le style est absolument superbe, et l'auteur parvient à figer certains instants avec une telle justesse que plusieurs extraits m'ont tout simplement bouleversée. La façon dont elle décrit ce passage si particulier de l'enfance à l'adolescence et ce crève-cœur qu'est d'assister à la déchéance de l'être aimé m'ont particulièrement émue.
Mais toutes ces digressions, les personnages qui semblent être ajoutés de façon artificielle, la temporalité contrariée ont pour moi beaucoup altéré la construction du récit, et il me semble que l'auteure s'est laissée emporter par l'écriture, souvent au dépit de l'histoire. Je ne suis d'ailleurs pas certaine qu'il soit nécessaire de leur faire vivre une telle tragédie pour parler si bien de ses personnages.
Je sors donc de cette lecture un peu sceptique, un peu agacée, un peu hypnotisée. Peut-être que cette incertitude permanente m'a tant gênée car elle réveille une angoisse plus profonde, celle de l'absurdité de la violence.
Céline
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