Ceux qui me connaissent un peu savent que je suis une grande férue de littérature américaine. Il n'y a rien a faire, j'aime me plonger dans les pavés outre atlantique, avec cette narration si particulière et ses personnages denses ! Mais j'ai récemment eu envie de découvrir un peu la littérature de mon pays avec deux auteures contemporaines !
"Avant même la fin des vacances, je savais que ces mois d'été laisseraient dans ma mémoire les traces les plus nettes."
J'ai d'abord été attirée par Débâcle, de Liz Spit, une jeune écrivaine néerlandophone. La couverture très dérangeante m'avait intriguée sur le stand d'Actes Sud lors du salon du livre de Bruxelles. La narratrice, Eva, retourne dans son village natale, en Flandres, un bloc de glace dans le coffre de sa voiture. Peu à peu, elle nous dévoile les souvenirs de cet été 2002... Avec Pim et Laurens, ils forment les trois mousquetaires depuis leur naissance. Mais l'adolescence arrivant, Eva sent que les garçons s'éloignent d'elle et partagent une intimité dont elle est exclue. Alors, elle s'accroche à cette petite bande qui représente tout son univers et accepte de participer à un jeu dangereux. J'ai pris du temps pour pénétrer dans ce roman, je me m'y suis glissée avec précaution, comme dans un lac gelé. Mais très vite, l'écriture hyperréaliste, la tension à la limite du supportable m'ont harponnée et je n'ai plus été capable de le lâcher. La violence est bien tapie derrière les pages, et l'on sent que cela va nous péter à la gueule, c'est inéluctable. Je ne m'attendais tout de même pas à une scène si insoutenable. Mais malgré ces dernières pages qui crèvent le cœur, je ne regrette pas la lecture de livre. J'en admire la construction qui sert parfaitement le récit et le propos, et surtout je trouve qu'il dissèque particulièrement bien les mécanismes de violence et de domination parmi les adolescents. Une expérience glaçante et entêtante.
"La seule chose qui comptera encore, c'est que je me suis trouvée ici le premier jour vraiment froid d'un hiver par ailleurs assez doux.
"Les histoires, elles servent à mettre dedans tout ce qui nous fait peur, comme ça on est sûr que ça n'arrive pas dans la vraie vie."
Côté francophone, je n'ai pas résisté à l'envie de lire La vraie vie, d' Adeline Dieudonné, qui a rencontré lui aussi un beau retentissement médiatique. Ce roman parle à nouveau de ce passage douloureux de l'enfance à l'adolescence avec des parents abusifs et démissionnaires, mais alors que Débâcle m'a semblé cruellement réaliste, le récit prend ici la forme d'un conte à la fois initiatique et effrayant. J'ai aimé l'écriture, forte et imagée, et l'humour parfois féroce, parfois absurde, qui s'en dégage. Les personnages très allégoriques m'ont beaucoup plus, et j'ai dévoré ce petit livre telle Gretel devant la maison en friandises. Cependant, j'ai moins cru à cette histoire qu'à celle de Débâcle, et je pense donc qu'elle s'estompera plus vite dans mon esprit.
"Evidemment, je finissais toujours par m'apercevoir qu'il y avait des feuilles inclassables, qui n'étaient ni vraiment des exercices, ni vraiment de la géométrie, ni vraiment des multiplications. Que la vie est une grande soupe dans un mixer au milieu de laquelle il faut essayer de ne pas finir déchiqueté par les lames qui vous attirent vers le fond."
J'ai retrouvé dans ces romans un esprit bien de ce pays, avec des ambiances pesantes, un ancrage social très fort et un humour parfois difficile à déceler, un peu comme dans les films de Felix Van Groeningen (La merditude des choses, The Broken circle breakdown).
Et ses deux récits parlent merveilleusement bien de la fin de l'enfance et de la perte d'innocence.
Céline
Les commentaires récents