Pas si facile d'être le petit dernier d'une fratrie de cinq thésards surdoués quand son seul talent est de tenir longtemps en apnée. A onze ans, Isidore cherche à trouver sa place dans sa famille et dans le monde. Alors que ses frères et sœurs se passionnent pour la musicologie, la philosophie et utilisent le deuil qu'ils traversent comme matière à une étude sociologique, Isidore essaie de comprendre comment vivre avec les autres.
"Parfois, j'ai l'impression d'avoir élevé une portée de petits misanthropes intolérants. Toujours dans vos bouquins. Vous n'en levez le nez que pour critiquer le reste de l'humanité."
" Et qu'est-ce que tu voudrais que je fasse, maman ? Je veux bien que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits, mais s'ils décident de grandir sans ouvrir un bouquin, rien ne m'oblige à subir leur conversation."
Un peu enveloppé, parfois naïf mais surtout très empathique, le jeune garçon traverse les affres de la préadolescence en essayant de consoler sa mère et de questionner ses sœurs.
"Peut-être que c'est ça qui faisait un universitaire de qualité en fait : une haute résistance à l'ennui. Ou peut-être qu'en fait ils avaient besoin d'une plus forte dose d'ennui que la moyenne pour pouvoir apprécier pleinement les petits plaisirs de la vie, de la même façon qu'on a besoin de voyager de temps en temps pour apprécier le confort de son propre lit."
"Elle a dit que j'étais drôle, ce qui n'était pas un truc que j'entendais souvent. En général, les gens disaient de moi que j'étais gentil, mais ça avait l'air de les inquiéter plus qu'autre chose, ou de les rendre tristes pour moi. Mais drôle, c'était toujours un compliment à cent pour cent."
Il se lie d'amitié avec une fille étrange et suicidaire, fugue régulièrement le temps de quelques heures (en vain puisque personne ne s'en aperçoit) et met à jour son testament à chaque anniversaire.
"Mais c'est vrai qu'ils sont difficiles à repérer, par définition, les gamins qui passent inaperçus. Même entre nous on a du mal à se reconnaître, c'est pas comme si en tant que gamins invisibles, on avait le don de repérer d'autres gamins invisibles, le sixième sens du loser. Et puis quand bien même on pourrait se reconnaître entre nous, on aurait certainement pas envie de traîner ensemble et disparaître encore plus profond."
Isidore et les autres est un roman doux amer, qui décrit le monde dans lequel on vit avec l'intelligence et la fraicheur un peu désabusée qui marque la fin de l'enfance. J'ai retrouvé le même plaisir de lecture qu'avec Extrêmement fort et incroyablement près de Jonathan Safran Foer. Car à travers le regard de ce préadolescent, c'est surtout un grand questionnement sur la famille et plus largement sur la vie en société qui est soulevé. Comment vivre avec les autres ? A quel moment l'intelligence devient-elle condescendance ? J'aime beaucoup le titre en anglais How to behave in a crowd, qui je trouve est plus évocateur de l'ambiance du livre. L'auteure a traduit elle même de l'anglais vers le français, et je suis impressionnée par sa capacité à écrire un tel roman dans deux langues différentes !
"On dit que la vraie sagesse s'acquiert en ayant fait l'expérience de la vie, mais bon, il doit bien y avoir un autre moyen, non ? Y a beaucoup d'expériences de la vie qui ne serve à rien, me semble-t-il. On devrait juste pouvoir les zapper et vivre que les expériences nécessaires."
Un excellent moment de lecture passé en compagnie de ce si attachant Isidore.
Céline
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