" 'Qu'adviendra-t-il de la justice et de la beauté si les idéaux périssent ? ' Une femme qui écrit comme cela doit être publiée. Et cette famille va devoir se décider à entendre sa voix dans le monde."
D'ailleurs, Les poissons n'ont pas de pieds et A la mesure de l'univers forment une saga familiale en deux tomes et nous plongent dans l'Islande des dernières décennies.
Comme dans Asta, Jon Kalman Stefansson se joue de la continuité et emporte son lecteur à travers les époques, les paysages et les personnes sans se soucier d'une quelconque linéarité. Le fil de ses réflexions et de sa poésie nous guide dans les fjords islandais, au cœur de la nature et de l'âme humaine, dont les tempêtes se confondent souvent.
J'ai retrouvé avec bonheur la plume de Stefansson, ses incises, ses envolées poétiques comme des descriptions parfois crues et réalistes. Plus encore que dans Asta, j'ai été saisie par la justesse avec laquelle Stefansson parle de l'humanité, des relations familiales, de ce qui se transmet de génération en génération. Il suffit d'une scène à Stefansson pour dire tout l'amour qui lie une mère à son fils, le désir vibrant et les réserves d'une femme, les désillusions d'un homme.
"N'y a-t-il donc, en fin de compte, aucune limite à ce qu'on peut changer, la lâcheté serait-elle la plus grande des entraves ?"
La façon dont il parle des femmes, de leur destinée si étroitement liée à la place que l'époque leur réservait m'a tout particulièrement touchée.
"Nous avons toujours été laissées pour compte, nous sommes cantonnées à être des mères, des femmes au foyer ou des prostituées, et quand on ose sortir de ces rôles, ce n'est jamais bien vu. C'est pour cette raison que nous sommes forcées d'agir comme des résistantes, forcées d'emprunter des voies secrètes, d'atteindre la maturité et de rassembler nos forces avant de paraître au grand jour. Sinon ils t'étouffent dès la naissance. Pas forcément par méchanceté, mais tout simplement par la bêtise de intrinsèque à la domination."
Une fois de plus, Stefansson a su me saisir en plein cœur avec ce style si particulier qui atteint des sommets de poésie tout en restant intimement uni au récit.
"Ce que le monde peut être idiot de croire qu'il suffit d'une seule unité de mesure, de penser que la nuit est aussi longue en minutes pour le solitaire que pour les amoureux, que le système métrique ait l'imagination et la faculté de compréhension nécéssaires pour mesurer toutes les distances, quelle que soit leur nature, dans l'univers de l'être humain ; comme si la distance entre cette lande et Reykjavic était identique pour de jeunes pieds en sang et pour, par exemple, une voiture bien chauffée."
Céline
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