"On m'a dit que la littérature ne devait jamais ressembler à un étalage de sentiments et je n'écris que pour faire jaillir des sentiments que le corps ne sait pas exprimer.On m'a dit que la littérature ne devait jamais ressembler à un manifeste politique et déjà j'aiguise chacune de mes phrases comme on aiguiserait la lame d'un couteau."
Je prends souvent mon temps pour entamer un livre d'Edouard Louis, je tourne autour, et puis une fois entamé, je ne le lâche plus. C'est toujours une expérience charnelle de lire un de ces récits, Eddy Bellegueule m'avait laissée sur une impression de nausée et de froid, Histoire de la violence un sacré mal de bide, et Qui a tué mon père une sensation de colère épidermique.
Et j'ai pleuré dès les premières pages de Combats et métamorphoses d'une femme. Non pas quelques larmes d'émotion souvent déclenchées par mes lectures, mais de vrais sanglots qui secouent le corps.
Avec une économie de mots et une justesse percutante dans leurs choix, Edouard Louis parvient à retracer le parcours de femme de sa mère à travers le prisme du rapport de classes, tout en faisant "renaître les fragments de tendresse dans le chaos du passé".
Tout commence avec une photo de sa mère jeune, vision du bonheur et des infinis possibles qu'il n'a jamais saisi sur son visage pendant leur vie commune. Il tente alors de comprendre la vie de cette dernière, sa condition de femme mère à 17 ans, aux prises avec un système et des hommes violents, sans ressources - financières ou humaines- pour trouver comment fuir. "Elle était humiliée mais elle n'avait pas le choix, ou elle pensait qu'elle ne l'avait pas, la frontière entre les deux est difficile à tracer." Et puis finalement, la force de partir, de se métamorphoser, et de se conjuguer au futur.
Cette mère qui ne le comprenait pas, dont il a eu honte souvent, à la fois victime et acteur de la violence systémique qu'elle subissait.
D'Eddy Bellegueule à Combats et métamorphoses d'une femme, Edouard Louis continue de faire la sociologie de sa vie et de celles de ses proches, avec moins de rage possiblement, et un certain embourgeoisement, mais toujours avec la même acuité dans ses analyses.
Jusqu'ici son livre le plus tendre, rapprochement possible entre un fils et sa mère grâce aux métamorphoses, qui se tisse dans les méandres de la mémoire familiale, dans la possibilité de réécrire le passé.
Et ce dernier souvenir...
Edouard Louis dit écrire contre la littérature, mais pour moi la littérature n'a jamais été que cela, un délicat agencement de mots pour bâtir un refuge.
J'ai adoré En finir avec Eddy Bellegueule, mais j'ai en revanche jeté l'éponge après 30 pages d'Histoire de la violence, dont le style m'a rebutée...
Mais celui-ci me tente beaucoup.
Rédigé par : Ingannmic | 29 juin 2021 à 19:49
Je pense qu'il te plaira ! Il est plus dans la lignée d'Eddy Bellegueule, mais avec un regard plus tendre sur son histoire.
Rédigé par : céline | 03 juillet 2021 à 10:04
Jamais lu l'auteur, on en parlait trop, mais là, peut être...
Rédigé par : keisha | 08 juillet 2021 à 08:50
C'est peut-être un bon titre pour le découvrir !!!
Rédigé par : céline | 08 juillet 2021 à 17:06
J'aime beaucoup la dernière phrase de ton article : c'est exactement cela !
Rédigé par : Philisine Cave | 26 juillet 2021 à 21:03
Merci Philisine ! Et quel refuge...
Rédigé par : Céline | 28 juillet 2021 à 10:07