17 rencontres avec la mort. 17 instants où les organes sont touchés, meurtris, effleurés. 17 instants suspendus, où le fil ténu qui nous maintient en vie risque de se briser.
C'est ce que nous raconte Maggie O'Farrell dans ce récit de vie aussi étrange que fascinant. Chaque chapitre s'ouvre sur une planche anatomique de l'organe touché, et déjà notre corps se tend à l'idée de l'histoire qui nous sera racontée.
17 fois où la mort s'est approchée de trop près de l'auteure, cela semble énorme, et même si en effet son parcours a quelque chose d’exceptionnel, de nombreuses situations interpellent et nous rappellent toutes ces fois où la fragilité de la vie nous a sauté en plein face.
"Frôler la mort n'a rien d'unique, rien de particulier. Ce genre d'expérience n'est pas rare ; tout le monde, je pense, l'a déjà vécu à un moment ou à un autre, peut-être sans même le savoir."
La première chose qui m'a marquée dans ce témoignage, c'est à quel point le fait d'être une femme a conditionné le rapport de Maggie O'Farrell à la mort, au danger. Le viol dont elle a réchappé, l’accouchement sanglant car un homme, un obstétricien de renom, a jugé inutile de prévoir une césarienne, la brutalité d'une fausse couche. Le corps d'une femme peut-être soumis à des violences indicibles, et survivre.
Nous apprenons plus tard la maladie qui l'a frappée, dans l'enfance, une encéphalite qui aurait du la tuer ou la rendre lourdement handicapée. De cette survie, elle retient une rage d'exister, de vivre pleinement et intensément. Chaque jour comme un sursis, un pied de nez à la mort.
"Après la maladie, je considérais ma vie comme un bonus, un extra, une prime - qui me donnait le droit d'en faire ce que je voulais."
Mais cette bonne vieille camarde n'a pas dit son dernier mot et revient la hanter avec la naissance de ses enfants.
" Quand vous donnez la vie, vous vous exposez au danger, à la peur. Au moment où j'ai tenu mon enfant contre moi, j'ai pris conscience de ma vulnérabilité : j'ai eu peur de la mort, pour la première fois. Je ne savais que trop bien à quel point la membrane qui nous en sépare est fine, à quel point il est facile de la perforer."
Outre l'entourage virtuel des blogueurs, j'ai la chance d'avoir deux grandes amitiés littéraires, de celles qui se construisent autant par les mots que par les moment partagés. Alors quand l'une de ses amies m'offre son immense coup de cœur, impossible de ne pas succomber.
J'ai dévoré ce livre comme un rendez-vous quotidien avec cette amie, et à travers les écrits de l'auteure, un dialogue sur notre conception de la vie. Merci à ma Christelle pour ce moment de partage si émouvant. Elle parle magnifiquement de son ressenti sur son blog Histoires d'en lire.
Quand ma fille est née je me souviens comme la précarité et l'absolue nécessité de son existence m'a étreinte. Chaque minute où elle ouvrait les yeux, où je sentais son petit ventre se gonfler d'air, me rappelait à quel point elle était déjà unique, irremplaçable, et comme sa vie tenait du miracle. Elle respire encore.
Je referme ce livre et je suis prise de vertige en pensant aux 7 milliards de cœurs qui battent à l'unisson. A l'étrange alchimie de hasards et de choix qui m'ont permis de rencontrer le père de ma fille. Au rire de cette dernière, qui résonne dans mes oreilles et que j'aurais pu ne jamais entendre. A toutes les fois où mon corps m'a rappelé que je n'étais pas invincible, mais bien un être de chair et de sang suspendu à la vie par un fil si fragile.
Je referme ce livre et j'ai envie de prononcer les vers de Sylvia Plath qui ont inspiré ce titre : "I took a deep breath and listened to the old brag of my heart. I am, I am, I am. "
Céline
Les commentaires récents