Colin veut tomber amoureux. Il a vingt ans, il est riche, ressemble à un bébé et aime faire plaisir à ceux qu'il aime. Il reçoit souvent
son ami Chick, lui concocte de délicieuses boissons à partir du
piano'cktail de son invention. Ce dernier a rencontré Alise, mails il
lui préfère Jean-Sol Partre, et dépense tous ses doublezons dans les
éditions originales du philosophe. Et puis, il y a Nicolas, l'excellent
cuisinier de Colin, qui pêche des anguilles dans l'évier en les
attirant avec du dentifrice à l'ananas. Enfin, Colin rencontre Chloé.
Elle est douce et belle, ils s'aiment et parcourent la ville protégés
dans un petit nuage rose qui sent la cannelle. Il se marient et coulent un amour parfait, mais Chloé tombe malade : un nénuphar vient se loger dans son poumon.
En relisant ce coup de cœur de mon adolescence, je m'étais préparée à ne pas pleurer. Mais le tragique qui s'insinue peu à peu dans cet univers tendre et léger a eu raison de moi. Car ce roman raconte une double tragédie : celle d'Alise, qui finit par tuer les libraires et Jean-Sol Partre lui-même avec un arrache cœur pour se venger de ceux qui lui ont volé l'amour de son homme, et celle de Colin, qui perd toute sa fortune et se voit contraint de travailler pour acheter des fleurs et soigner sa bien-aimée. Boris Vian réussit créer un monde qui se suffit à lui-même, un univers où les mots et les expressions sont à prendre au pied de la lettre. L'appartement de Colin rapetisse au fil de l'histoire, et Nicolas (carte d'identité à l'appui), vieillit de sept ans en quelques jours : les êtres et les choses s'amenuisent et perdent de leur éclat, tout est affecté par la maladie. L'innocence, et le burlesque presque, des débuts laisse peu à peu place à une réalité dure et inexorable, et le roman nous révèle toute sa profondeur.
Raymond Queneau avait raison en disant de ce livre qu'il était "le poignant des romans d'amour contemporains".
Céline
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