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"Pourquoi être heureux quand on peut être normal ? "'

  "Pourquoi être heureux quand on peut être normal ? ", voilà là question posée par Mrs Winterson à sa fille adoptive Jeannette lorsque cette dernière tente de lui expliquer son homosexualité. Une question interpellante, qui en dit long sur leur relation.

  Dans ce récit autobiographique, l'auteur revient sur son enfance dans une petite ville ouvrière anglaise. Adoptée par une mère catholique et abusive et un père effacé, elle a été élevée à coups de Bible et de menaces d'enfer. Mais pourtant, dès le départ, Jeanette Winterson se bat pour vivre, être heureuse, et finalement, apprendre à aimer (et à se laisser aimer). Elle trouvera sa rédemption non pas dans l'exorcisme qui lui sera infligé pour la débarrasser de son homosexualité, mais dans la littérature, les mots, et l'amour.

  Tout au long de ces 260 pages, j'ai été impressionnée par la capacité de l'auteur à conserver foi en la vie, à se battre pour la liberté et le bonheur malgré les coups infligés (elle a quand même réussi à intégrer Oxford après avoir été préalablement refusée !!!). Malgré le rejet originel, cette femme est parvenue à s'écrire sans pour autant rejeter mais en intégrant son passé. Malgré l'interdiction des livres chez elle (sa mère brulera tous ceux qu'elle trouvera sous son matelas), elle est devenue écrivain. Malgré le manque de tendresse de son enfance, elle est parvenue à aimer.

 En plus de ce parcours de vie dur, mais tellement beau, ce livre est truffé de réflexions passionnantes sur la société, le féminisme, le prolétariat... En plus d'un magnifique optimisme, cette écrivain de 52 ans a décidément de nombreuses choses à transmettre.

Quelques extraits :

"J'ai eu besoin de mots parce que les familles malheureuses sont des conspirations du silence. On ne pardonne jamais à celui qui brise l'omerta. Lui ou elle doit apprendre à se pardonner."

"L'existence n'est qu'une question de seconde chance et tant que nous serons en vie, jusqu'à la fin, il restera toujours une seconde chance. "

Et le dernier, tellement beau :

"Je n'ai jamais reculé face à l'immensité de l'amour mais j'ignorais que l'amour pouvait être aussi fiable que le soleil. L'amour aussi se lève tous les jours. "

  Vous l'aurez compris, je recommande cette lecture :-)

Céline

"D'autres vies que la mienne" de Emmanuel Carrère

   A quelques mois d'intervalles, Emmanuel Carrère a côtoyé la mort par deux fois. L'écrivain a plus tard décidé de témoigner de ces tragédies, pour les proches, la famille, et peut-être un peu, pour lui-même.  

  Le premier épisode se situe au Sri Lanka, lors du Tsunami. Alors qu'il y passe des vacances en famille, la grande vague déferle, ravageant tout sur son passage. Aucun de lui ni de ses proches n'était sur la plage à ce moment, mais un couple d'amis a perdu leur petite fille de quatre ans.

  Peu de temps après et de retour en France, sa belle-soeur succombe d'un cancer. Elle avait une trentaine d'année, trois filles, un mari aimant et se dévouait pour la cause des démunis de part son métier de juge.

  Alors il raconte. L'angoisse de la mort, le deuil, les moments sombres et banals de la vie qui s'éteint brutalement.

  La démarche de ce livre est originale. Car il se présente comme une autobiographie, c'est bien Emmanuel Carrère le protagoniste, mais ce n'est pas sa vie qui est mise en scène. C'est plutôt sa manière d'aborder la vie d'autres hommes, en restant en retrait mais avec sa sensibilité, ses propres questionnements sur ce dont il est témoin.

  La plume de l'auteur est juste, touchante, et certains passages sont beaux à pleurer. J'ai d'ailleurs eu la gorge nouée toute la traversée de ce récit.

  Seulement, l'ensemble est un peu inégal. Si certains morceaux sont d'une lumière et d'une vérité rare, certains sont parfois ennuyeux. Il manque une certaine fluidité propre au romanesque... Ah, même un beau récit vaut rarement un bon roman !

Céline

"Je, François Villon", de Jean Teulé

Orphelin très jeune, son père et sa mère ayant tous deux été pendus pour de menus larcins, François est recueilli par un chanoine qui l'élève dans la plus totale indulgence.

Naturellement promis à une carrière ecclésiastique, il entreprend des études à l'Université de Paris.

Mais l'époque des lendemains de la Guerre de Cent Ans est troublée, et notre fougueux poète préfère la liberté de la vie de criminel aux contraintes liée à la fonction de clerc...

Jean Teulé nous dépeint la vie de François Villon, considéré comme le père des poètes maudits du XIXème siècle comme Rimbaud et Verlaine.

Et il le fait talent !!! D'abord parce qu'il est un narrateur hors pair, qui sait nous tenir en haleine tout au long du roman. Ensuite parce que le sujet est passionnant. Et enfin parce qu'il sait rendre vie à toute une époque historique

J'avais déjà été horrifiée par les mœurs de la Cour de Louis XIV dans Le Montespan, mais c'est peu devant celles des ecclésiastes parisiens du XVème...

A LIRE DE TOUTE URGENCE, UN VRAI COUP DE CŒUR, DONC !

Milou

"La promesse de l'aube", Romain Gary

  La vie de Romain Gary, de son enfance dans les pays de l'Est à son enrôlement dans les forces aériennes françaises, est passionnante. Non qu'elle ait été emplie d'aventures exceptionnelles, mais l'auteur parvient à en faire un récit tout à la fois unique et universel. Avec beaucoup d'auto dérision et de tendresse, il nous raconte comment sa mère a placé toutes ses espérances dans un pays, la France, et un homme, son fils. La France, bien sûr, sera décevante, notamment en refusant à Romain le grade d'officier car il est naturalisé depuis trop peu de temps. Quant à son fils, il s'efforcera de combler une mère qui s'est tant sacrifiée, mais il ne lui semble jamais correspondre à ce héros brave et romantique dont elle a tant rêvé.

  Le style de Romain Gary, sobre mais poignant, nous entraîne dans un récit de vie, au départ drôle et tendre, puis de plus en plus mélancolique. L'histoire de cet homme, adulé dans son enfance, et qui n'arrive pas à trouver sa place dans un pays trop idéalisé, est profondément touchante.

  Un très beau classique du XX°siècle, à lire ou à relire !

Céline

"Quitter la ville", Christine Angot

  Quitter la ville n'est autre qu'un journal de bord tenu par Christine Angot. Elle y fait l'inventaire des réactions à propos de son précédent livre autobiographique, L'inceste. Lettres de lecteurs, d'amour ou d'insulte, listing des ventes de L'express, critiques de journaux et propos de son entourage s'accumulent et se mêlent aux réflexions de l'écrivaine.

  Quitter la ville fait partie de ces nombreuses lectures obligatoires (quel atroce oxymore !) que je rencontre dans ma vie estudiantine. M'accrocher jusqu'à la dernière page a été une véritable torture ! Si certains auteurs contemporains manient avec force le langage courant, le style brut de Christine Angot flirte avec l'illisibilité. Des pensées égocentriques et incompréhensibles s'amassent et se suivent sans interruption (180 pages sans chapitres !)... Tout au long de cette lecture, je n'ai ressenti qu'une même émotion : l'irrépressible envie de quitter son livre... Au plus tôt !

  Ce livre prouve tout de même une chose : il ne suffit pas de souffrir pour écrire.

Céline