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"Le soleil des mourants", de Jean-Claude Izzo

  Lorsque Titi meurt dans le métro parisien, Rico perd son seul vrai copain de galère et de misère. Il décide de partir pour Marseille, retrouver son premier amour, et puis, parce que, tant qu'à mourir, autant mourir au soleil. Sur ce trajet il croisera Félix, qui ne dit pas grand chose et tape le ballon à longueur de journée, Mirjana, une jeune bosniaque prostituée, et enfin Abdou, un immigré adolescent avec lequel il partagera ses dernières joies et peines...

  Avec sa plume simple, tendre et incisive à la fois, Izzo nous décrit la terrible trajectoire d'un homme poussé à la rue et à l'exclusion sociale par le départ de sa femme. Cette histoire, malheureusement si crédible, nous emmène aux limites de du système social, là où notre regard ne s'arrête que rarement. Profondément humaniste, Izzo réussit à aborder le thème délicat de l'indigence dans nos sociétés modernes sans tomber dans des clichés faciles : le ton sonne juste et parvient à nous toucher.

  A découvrir aussi de cet auteur marseillais, la trilogie Fabio Montale, des polars très marqués par ses idéaux sociaux.

Céline

"Hector, l'homme extraordinnairement fort" de Magali Le Huche

Hector, l’homme extraordinairement fort, est admiré de tous le cirque.  Mais ce monsieur muscle a un secret : à l’abri des regards, il tricote en rêvant à la jolie Léopoldine. Gédéon et Léonard, des dompteurs jaloux, décident d’épier Hector et découvrent son étrange passion…

Sur un fond de cirque, de paillettes et de gaieté, le livre de Magali Le Huche traite du sujet délicat qu’est celui d’assumer ses différences. À la fin de l’histoire, Hector sauve le cirque avec ses talents de « toqué du tricot », et  nous montre ainsi que les qualités qui nous apparaissent comme des faiblesses peuvent devenir notre force. Le vocabulaire employé est riche et diversifié, et le ton général amusant. Car si une petite morale est de mise, ce roman destiné aux enfants reste avant tout divertissant.  Les dessins, toujours à la limite de la caricature, prêtent au thème un ton léger et humoristique. Les visages très expressifs et la palette de couleur originale permettent à l’enfant de visualiser les émotions des personnages, et de s’y identifier. Poésie et cocasserie se mêlent parfaitement dans ces décors de cirque et ce texte émouvant.

Beaucoup de rires fuseront à la lecture de ce livre, qui, pour les petits et les grands, s’avère être extraordinairement décomplexant !

Céline

"Un complot de saltimbanques", Albert Cossery

   Teymour, après avoir passé des années heureuses et débauchées à l'étranger, revient dans sa petite ville natale, quelque part en Orient. Parti pour devenir ingénieur, c'est avec un faux diplôme qu'il  revient, et vite il regrette  les plaisirs et les raffinements de l'ailleurs. Mais  des retrouvailles avec ses anciens camarades vont lui apprendre que la jouissance est accessible partout et que les hommes sont les mêmes en tout lieu : drôles et dérisoires. Ensemble, ils mènent une vie d'oisiveté et de rire  et prônent une liberté absolue. Cela suffit pour que la police les soupçonne de mener un complot politique...

  Avec son style inimitable, Albert Cossery nous plonge dans une ambiance amusante et profonde, et prend sur le vif, avec une dérision délicieuse, notre condition d'homme. Sa remise en cause de l'ordre établie et du conformisme est d'autant plus poignante qu'elle est faite par un humour fin et impitoyable. J'ai beaucoup ri dans ce roman où les actions sont pourtant menées avec lenteur. Car cet écrivain égyptien, qui a pris le temps de n'écrire que neuf livres entre 1931 et 1999, savait  manier la plume et construire plus qu'un récit, mais une œuvre littéraire.

 Céline

"Le parfum d'Adam", Jean-Christophe Rufin

  Juliette, une jeune militante écologiste française, est envoyée en mission en  Pologne pour libérer  des animaux de laboratoire et  dérober  un flacon au contenu  mystérieux. Bien décidée à ne pas s'arrêter là, elle suit ses commanditaires à travers le monde, inconsciente des véritables enjeux de leurs actions. Car l'écologie n'a pas partout le visage sympathique qu'on lui prête, et une dérive de sa pensée n'amène à rien que moins que vouloir détruire une partie de l'espèce humaine pour sauver la planète...

  Aux Etats-Unis, l'agence de renseignements privées Providence embauche Paul et Kerry, deux anciens agents de la CIA, pour élucider cette affaire. Cette enquête va les amener à découvrir les terrifiants aspects de l'écologie radicale...

  Débutant comme un récit d'aventure, ce roman prend peu à peu des allures de contre-utopie... L'auteur, ayant travaillé 20 ans dans l'humanitaire, confie ici ses craintes quant à la tendance actuelle à imputer les responsabilité des maux de la planète aux pauvres. "Ils sont trop nombreux, les épidémies sont nécessaires" autant de phrases  dangereuses mais qui semblent de plus en plus légitimes face à l'épuisement des ressources planétaires.

  Très agréable à lire, ce roman flirte avec les genres du policier comme de l'essai et nous offre une réflexion passionnante sur les rapports entre l'homme et la planète.

Céline

"Eloge des femmes mûres", Stephen Vizenczey

  Le narrateur, Andras Vajda, nous raconte sa découverte de la sexualité dans les bras de femmes plus âgées. En Hongrie, sous fond de communisme, puis dans les pays où il immigre, le jeune homme va s'adonner aux plaisirs et à la sensualité avec des femmes mariées, parois mères de famille. Car pour Andras, l'initiation sexuelle ne peut être pleinement vécue qu'avec un compère plus mûr, capable de vous en enseigner les délices et les secrets.

  Avec beaucoup de subtilité et de tendresse, le narrateur nous décrit, non sans humour, les premier émois et l'exploration du corps féminin. Loin d'une masturbation à deux, l'auteur conçoit la sexualité comme un partage, une aventure, une ascension. Le style sobre et toujours égal de l'auteur sert parfaitement son propos et lui permet d'offrir une très belle vision de l'érotisme. 

Ce roman a bien mérité son statut de best-seller !

Céline

"Le Montespan", de Jean Teulé

Le marquis de Montespan n'est pas célèbre pour ses faits de gloire à la guerre ou pour son esprit, mais parce qu'il fut... cocul ! Attention, "Le" Montespan ne fut pas n'importe quel cocul :
  - sa femme, réputée la plus belle femme de France, fut la favorite du roi Soleil lui-même !
  - lui, contrairement au bon sens et aux mœurs de la Cour, ne se résigna jamais à la laisser à sa Majesté.

Au lieu de tirer profit de la situation pour arranger ses finances, le Gascon entreprend mille et une folies pour ridiculiser Louis XIV et tâcher de récupérer sa Françoise : il fait mettre de larges cornes sur son carrosse, entre à Versailles en tenue de deuil pour rendre son épée au roi, s'immisce à la Cour déguisée en courtisane, ...

Quel personnage incroyable et haut en couleurs ! Un esprit libre et obstiné !

L'intérêt de ce roman historique passionnant ne réside pas seulement dans son histoire - certes rocambolesque - mais également dans la description qui est faite des us et coutumes de l'époque. Si vous imaginiez la Cour de Louis XIV comme un haut lieu de distinction, et bien vous allez être déçus : ces dames se soulagent en publique, ces messieurs font des concours de pets, et le roi lui même ne prend jamais de bain, craignant les effets de l'eau sur sa peau.

Une très belle découverte, merci Cathy :-)

Milou

"La dame N°13", de José Carlos Somoza

   Salomon Rulfo, poète et professeur de lettres, se laisse aller à l'alcoolisme et la dépression depuis la mort de sa compagne. Chaque nuit, dans ses cauchemars, une jeune femme assassinée l'appelle à l'aide... Ce rêve mystérieux va l'amener à rencontrer la belle Raquel, prostituée soumise, et à pénétrer une étrange légende... Treize dames, muses aussi bien que sorcières, sembleraient régler le monde de la poésie. Mais qui donc chercherait à percer leur secret serait confronté à l'effroyable Dame N°13, celle qu'il ne faut jamais mentionner...

  Somoza, en flirtant avec le fantastique, nous emporte dans un univers où les mots deviennent des armes, la poésie une vengeance d'une cruauté rare et l'art inhumain. Remarquablement construit, d'une prose toujours à la limite du poétique (mais loin de satisfaire notre plaisir littéraire, ce style alimente notre peur), ce roman est aussi effrayant que bouleversant. L'écrit et la vie ont rarement été aussi perfidement liés que dans ce récit où les vers deviennent des phylactères, qui, gravés sur votre corps, vous poussent à la folie sous toutes ses formes.

Céline

"Bonjour tristesse", de Françoise Sagan

Cécile passe l'été de ses 17 ans sur la Côte d Azur en compagnie de son père et de sa dernière conquête. Ce sont des vacances sans histoire, qui alternent bains de soleil, apéritifs et conversations légères. Mais l'arrivée d'une autre femme, mature, intelligente et distinguée, vient perturber cette délicieuse insouciance...

Il faut lire "Bonjour Tristesse" !

Ne serait-ce que pour l'écriture de Sagan, mordante et sans complaisance.
Ou pour ses personnages, attachants et répugnants tout à la fois.
Ou pour le dénouement, cruel.

Et puis... quel titre !

Milou

"La vie d'une autre", Frédérique Deghelt

  Marie, une jeune fille de 25 ans, fête son nouvel emploi et rencontre Pablo, bel homme charmeur et sensuel. Un véritable coup de foudre : la nuit d'amour qu'ils partagent en est la preuve. Mais le lendemain matin, Marie se réveille douze ans plus tard, mariée à son bel inconnu qui n'a pas manqué de lui faire trois enfants adorables... Désorientée, elle n'ose pas se confier et tente de comprendre ce qui l'a poussée à refouler les plus belles années de sa vie. Car aux yeux de tous, Pablo et Marie forment le couple idéal et leur famille respire le bonheur. Marie se retrouve donc seule à enquête sur " la vie d' une autre", cette autre qui a choisi d'oublier jusqu'à la naissance de ses propres enfants...

  Avec beaucoup de finesse et un style agréable, l'auteur nous plonge dans l'intimité d'une âme humaine, ses doutes, les difficultés de choisir un chemin et de vivre un amour au quotidien. Le récit est très bien construit et le suspense monte jusqu'à la chute, surprenante et terrible. Sans jamais tomber dans le manichéisme, Frédérique Deghelt nous parle des blessures irrémédiables que seuls les couples savent s'infliger. L' oubli semble alors être la seule solution pour sauver un amour fou car "oublier, c'est aussi pardonner".

Céline

"La Consolante", de Anna Gavalda

Charles est perdu : Anouk, sa mère, son aimée, son âme sœur, ... est morte. Comme cela, d'un coup, partie sans même un adieu.
Bien sûr, il avait pris ses distances depuis quelques années déjà, mais là il ressent comme un vide énorme, qui fait écho au vide de sa vie : une compagne qui ne l'aime plus, une ado qui n'est pas sa fille, un travail qui piétine. Alors Charles repart à la rencontre de ce passé qu'il avait si soigneusement mis de côté, en quête de son identité, tout simplement. Et croise Kate sur la route.

Je me suis fait littéralement piégée par ce roman, et je suis bien en peine d'expliquer pourquoi !
Anna Gavalda n'est pourtant pas ma tasse de thé, je trouve les sentiments caricaturaux et les histoires trop romantiques, un peu comme Marc Levy.
Mais là... je me suis surprise à être touchée... par ces personnages ordinaires et tellement à part en même temps, par ces vies ratées et si riches à la fois, par cette humanité, enfin !

Milou

Merci Dodie pour ce cadeau de convalescence, vraiment consolant ! :-)