"Si tant est que ça l'ait été un jour, il n'est désormais plus possible
de raconter l'histoire d'une personne de manière linéaire, ou comme on dit, du berceau à la tombe. Personne ne vit comme ça. "
Si nous entrons dans l'histoire d'Asta par le jour de sa conception, le reste de sa vie nous sera en effet contée sans continuité, mais par fragments. A travers les souvenirs de son père d'abord, qui, tombé d'une échelle, se souvient et regrette, mais aussi à travers des lettres d'Asta à son amant, à travers ses propres souvenirs d'enfance, de Reykjavik à la campagne islandaise en passant par Vienne ou la Norvège.
Asta, ce prénom qui signifie "amour" en islandais lorsqu'on en retire la dernière lettre. Car l'histoire d'Asta est bien une histoire d'amour : l'amour passionnel de ses parents, cet amour fou qu'elle découvrira plus tard avec ses amants, mais aussi d'amour filial et tendre, et de cet amour imparfait et nécessaire qui nous relie aux autres et qui nous définit en tant qu'être humain.
C'est aussi un demi siècle en Islande, avec les révoltes sociales, l'apparition du tourisme, cette dépendance très forte à la nature, à la lumière et les conditions de vie rudes, et des portraits magnifiques comme celui de la nourrice, ou de Josef, le garçon qui était parfois âge de deux mille ans.
Quel superbe roman. La langue poétique, charnelle et lyrique nous emporte au fil des époques et des lieux et parvient à capter une destinée humaine, dans toute sa complexité. L'histoire d'Asta et de ses proches, aussi douloureuse que lumineuse, m'a émue et touchée en plein cœur.
"On dirait parfois qu'un seul et même chemin mène au bonheur et au désespoir - mais à part ça, tout va bien, non ? "
Rarement un roman ne m'a autant époustouflée par la maîtrise parfaite à la fois du récit et des jeux de langage. Si souvent j'avais envie de le dévorer, certaines phrases me poussaient à m'arrêter, à marquer une pause pour mieux m’imprégner du sens des mots et de leur poésie.
Un vrai coup de foudre littéraire en ce début d'année !
Céline
"Or les lecteurs assidus, surtout quand ce sont des lectrices, sont plus ouverts que d'autres aux souffrances de la vie. La poésie et la littérature les rendent plus sensibles."
"Sois toi-même, et entièrement, il n'y a que comme ça qu'on peut marcher la tête haute, quelle que soit la manière dont les choses finissent. Apprends la bienveillance. Rappelle-toi que la bonté et la joie sont les trésors les plus précieux qu'un être humain puisse détenir."
"Cette planète serait-elle habitable
si les pantalons n'avaient pas de poches ? "
"Tes yeux qui jadis m'éclairaient se sont changés en trou noir - l'espace qui sépare l'amour de la haine est à peu près le même que celui entre vie et trépas.
A la fois infini et infime."
"Et où aller
où se réfugier
quand aucun chemin ne mène hors du monde ? "
"Mais il y a si peu de choses qui ne soient pas des erreurs ici-bas. Au contraire, les vérités du cœur ne font pas toujours bon ménage avec celles du monde. C'est ce qui rend la vie incompréhensible. C'est notre douleur. Notre tragédie. La force qui fait notre lumière. "
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