"C'est à dire que si, il était beau, bien qu'aucun de ses traits pris isolément n'ait pu logiquement conduire à ce résultat. Aucune régularité, aucune harmonie et rien d'imposant. L'effet de désordre était total mais ce désordre générait un séduisant chaos, somptueux parfois lorsqu'il s'animait"1
En quelques lignes, je suis tombée amoureuse d'Adamsberg à 19 ans. Etudiante, j'ai acheté toutes ses enquêtes à la libraire de seconde main du quartier, j'ai raté des soirées et des arrêts de bus pour suivre ses errances et ses chemins de pensée. Mais comment ne pas succomber au charme de cet homme de la montagne ?
"Sa nonchalance naturelle le maintenait dans un rythme toujours égal, toujours lent, au bord du détachement. (...) Et c'était plus par indolence que par courage qu'Adamsberg connaissait à peine la peur."2
Pour un peu, je me transformais en midinette, accrochant des posters de mots dans ma chambre et soupirant à l'évocation de son diminutif islandais "berg"... Soupir...
"Elle vit cette homme aux yeux tombants qui la regardait avec une douceur peu commune, sa chemise entrée d'un côté dans un pantalon noir, et sortie de l'autre, elle vit que ce maigre visage ne collait pas avec ces mains volées à une statue de Rodin, et elle comprit que ça allait aller mieux, la vie. "3
Mais pourtant, ces derniers temps, j'avais un peu l'impression de l'avoir perdu Adamsberg. Moins de descriptions, des enquêtes un peu alambiquées, et surtout je ne retrouvais pas cette lenteur et ce flegme lumineux qui faisait le charme des histoires de Vargas. Pourtant je m'accrochais, car lire un Vargas, c'est un peu pour moi comme recevoir des nouvelles d'un amour de jeunesse, nostalgique et tendre.
Aussi je me suis précipités sur Quand sort la recluse dès que les chroniques de blogueurs ont commencé à fleurir sur la toile.
"Plus venteux et ondoyant que jamais, le regard inconsistant et le sourire vague, le commissaire semblait avoir perdu les pans de précisions qui charpentaient néanmoins ses démarches, comme autant de jalons espacés mais rassurants."3
Et voilà, dès les premières pages, j'étais sous le charme, ferrée. On y retrouve cet Adamsberg que j'aime tant, suivant son intuition au risque de se mettre son équipe à dos, n'hésitant pas à faire un détour dans son passé, se laissant porter par ses errances venteuses au rythme de ses bulles gazeuses.
L'enquête est parfaitement ficelée, avec des références historiques, des détournements et des araignées à chaque page tournée. On retrouve la beauté des personnages de Vargas, chacun avec leur charme et leur personnalité.
Seule Camille est encore absente de cet opus. J'ai suivi son histoire d'amour avec Adamsberg avec passion et acharnement, mais je commence à me faire une raison. Je ne peux pas m'empêcher d'en livrer un petit extrait (soupir...) :
"Camille sourit et laissa tomber les bras en soufflant.
- Je t'aime. Laisse-moi partir maintenant.
Elle lança sa valise par la portière ouverte. Elle grimpa les trois marches et se retourna, mince, noire et Adamsberg ne voulait pas qu'il ne lui reste que quelques secondes pour regarder ce visage de dieu grec et de prostituée égyptienne." 4
Je dois bien avouer que si je suis amoureuse, c'est bien de l'écriture de Fred Vargas. D'un coup de plume, elle rend les descriptions physiques aussi passionnantes que le récit. Ses détours d'historienne donne un charme désuet à ses romans, sans jamais rien leur enlever de contemporain et de pertinent.
Merci Fred Vargas pour ces centaines d'heures de lectures drôles et trépidantes, merci pour ces personnages si précisément évoqués que je les crois réels, merci pour cet humanisme érudit qui fait tant de bien.
Céline
1 Fred Vargas, Pars vite et reviens tard, Viviane Hamy, 2002
2 Fred Vargas, L'homme à l'envers, Viviane Hamy, 1999
3 Fred Vargas, Quand sort la recluse, Flammarion, 2017
4 Fred Vargas, L'homme aux cercles bleus, Viviane Hamy, 1996
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