ENLIVREZ-VOUS !

"Enlivrée" de Laurence Dionigi

   Romane, 23 ans, fille de romain Ryga et de Paul sur le point de réussir son master d'optique, voit son quotidien bouleversé par d'étranges symptômes... Envie subite et irrépréssible de lire ou d'écrire, vomissements d'encre, prise de poids : quelle est donc la cause de ces maux qui lui font perdre prise sur sa vie et passer pour une déjantée ? Ce pourrait-il qu'elle soit "enlivrée" ? Mais comment peut-on accoucher d'un chef d'oeuvre ? Heureusement, elle croiser sur son chemin Eugène Coiones, François Laisrabe, Marguerite Rasdu, des personnes averties qui pourront l'aider dans cette expérience bouleversante...

 

  Ce court roman exploite la métaphore de l'écriture comme d'une gestation et de l'achèvement d'une oeuvre comme d'un accouchement. Métaphore certes très connue mais utilisée ici avec beaucoup de fantaisie et d'humour. Le récit se tisse comme un jeu de piste à travers les anagrammes et citations d'écrivains de renom. Un lecture amusante donc, avec des touches d'absurdes savoureuses et un paysage littéraire agréable. Cependant, les déboires du personnage de l'héroïne sont parfois inégaux et l'on se lasse un peu de la voir passer en revue tous ces ex (Romane compte dans ses conquêtes pas moins que Charles Delairebeau, Paul Lainever, Jacques Vertpré, Antoine de Saint-Ryexupé, Louis Gonora...). L'idée est sympathique mais le tout manque un peu d'étoffe pour devenir un grand roman. Reste un très bon divertissement !

  Merci à l'auteur pour l'envoi d'Enlivrée à Enlivrez-vous :-) !

Céline

"LA Story", de James Frey

  Los Angeles. Ville americaine par excellence, ville du soleil, du cinéma, des gangs, des embouteillages. Los Angeles et ses destins qui se croisent et s'exposent,tragiques, émouvants, humains. Los Angeles et ses quelques 100 000 personnes arrivant chaque année dans l'espoir de devenir star, de surfer à longueur de journée, de buller au soleil ou, tout simplement, d'une vie meilleure.

  Et c'est dans cette cité que vivent Esperanza, jeune femme issue de l'immigration mexicaine, aux grosses cuisses et aux rêves de réussite et d'amour ;  Vieux Joe, un SDF accro au châblis, Amberton un acteur homosexuel et tyrannique. C'est cette cité que rejoignent Dylan et Maddie, un couple d'adolescents si touchant fuyant l'Ohio et la violence de leurs parents. A ces quatre destinées auxquelles on s'accroche comme à une bouée, tant les personnages paraissent réels, s'ajoutent des dizaines de morceaux d'existence de citadins de LA, des morceaux d'existence souvent dramatiques, parfois drôle, rarement réconfortant. Les passages historiques et les stastistiques donnent une force toute particulière à ce récit magistral.

  LA Story m'a tout simplement hâppé, envoûtée. L'écriture très rythmée, à bout de souffle (j'en ai regretté de ne pas avoir eu le livre en VO sous la main), confère au récit un suspense presque intenable : on veut savoir, à tout prix, ce qu'il va advenir des protagonistes ! Ce portrait d'une ville où se cotoient les paillettes et la misère, les gangs et Hollywood est éblouissant. Et qu'il soit ressemblant ou non importe peu tant le roman est bon !

Céline

"Des garçons d'avenir", de Nathalie Bauer

  1915. Raymond Bonnefous, étudiant en médecine part pour la guerre. Dans les tranchées, il occupera pendant quatre ans le poste de brancardier avec ses camarades Morin et Declercq. Tentant de soulager la souffrance humaine mais aussi de fuir l'horreur des tranchées, Raymond et ses amis, ses garçons d'avenir, vont découvrir au coeur de la monstruosité les liens de l'amitié, les premiers émois de l'amour et l'envie de vivre.

  Ce roman, qui se présente comme le journal de Raymond Bonnefous, nous partage un morceau de l'histoire brutale de la Grande Guerre et des hommes qui l'ont faite. L'auteur s'est inspirée des carnets de son grand-père, et le texte est très bien documenté, des photos appuient même le propos. Les descriptions du quotidien dans les tranchées sont minutieuses et dérangeantes. Un peu de répi pour le lecteur plongé dans l'horreur de la guerre, le récit se promène aussi du côté des cabarets, des permissions, de l'amitié très profonde entre Bonnefous et Declercq et de leur amour platonique pour Zouzou.

  Trajectoires intimes mêlée à une tranche de l'histoire de l'humanité, ce roman aurait tout pour nous toucher et nous enseigner. Cependant, si j'ai trouvé les passages historiques très intéressants (mes cours d'histoires datent :-)), le style sobre, le ton descriptif du journal m'a empêché de m'identifier pleinement aux personnages et de partager leurs émotions.

 Un grand merci à Babelio et aux Editions Philippe Rey pour cet envoi !

Céline

"Rosa Candida", de Audur Ava Olafsdottir

   Arnljotur, jeune rouquin féru de botanique, décide de quitter son Islande natale pour aller faire revivre la roseraie mythique d'un monastère étranger. La passion des plantes, il la partageait avec sa mère, décédée trop tôt dans un accident de voiture. C'est d'ailleurs dans la serre familiale qu'il a aimé Anna un quart de nuit, la mettant accidentellement enceinte.

  Mal à l'aise avec sa paternité toute récente, agacé (et attendri) par un père trop poule et un frère autiste, le "petit Lobbi" semble heureux de découvrir le monde, monde sur lequel il pose un regard candide et amusant. Mais bientôt Anna, qui doit finir son mémoire, le rejoint avec leur petite fille de 10 mois, Flora Sol. Arnljotur, qui ne sait pas encore vraiment qui il est, va alors se découvrir père, cuisinier et amant...

  J'ai savouré chauqe page de ce petit conte initiatique. Les réflexions du narrateur, sa description du monde qu'il découvre, sont touchantes, drôles et subtiles. Les relations entre les personnages sont très tendres, et l'histoire d'amour qui se tisse à l'envers toute jolie. L'auteur parvient à nous faire vivre les sentiments du héros en nous décrivant les menus détails de son quotidien : la façon dont il fait à manger, dont il occupe ses journées avec sa fille, dont il travaille au jardin. J'ai été particulièrement touchée par la naissance du sentiment de paternité chez Arnljotur, qui augmente à mesure qu'il participe aux progrès de sa fille et les observent. Les pages sur sa petite fille, les fossettes sur ses genoux, le biscuit qui barbouille ses joues, ses balbutiements, sont juste adorables !

Un roman très doux, très beau.

Céline

"Alzeihmer mon amour", de Cécile Huguenin

Ce livre est un récit trois parties reprenant la découverte, le combat contre et l'acceptation de la maladie de Daniel par sa compagne, Cécile.

 L'auteur nous raconte d'abord les petits oublis du quotidien, ces alarmes qui plongent brusquement notre existence dans la tragédie. Comme ce matin où Daniel oublie comment faire le thé qui lui prépare tous les matins depuis 30 ans.

Vient alors le diagnostic, qui tombe comme une sentence, et les suites de rendez-vous médicaux humilants. Cécile décide alors de se battre pour stimuler Daniel, le garder en éveil, repousser le plus possible la dégradation de sa mémoire... Pour tenter de sauver leur cocon d'amour, elle choisit un nouveau départ à Madagascar. Cette vie permet d'abord à Daniel d'être heureux et apaisé mais bientôt la maladie prend le dessus et l'amour de Cécile ne suffit plus.

De retour en France, elle trouve un lieu spécialisé et humain pour accueillir son aimé, un lieu où le personnel est vraiment soignant, un lieu où, comme le dit Daniel, "On peut vivre".

Outre le récit bouleversant d'une femme confrontée à la perte de mémoire de l'homme de sa vie, ce livre est une magnifique histoire d'amour. Entre deux êtres bien sûr, mais aussi un amour plus universel de l'homme dans sa condition la plus précaire. J'ai été impressionée par la beauté de l'écriture de l'auteur, la force de ses mots, son énergie et sa profonde humanité. 

Les poèmes de Daniel, glissés entre les lignes, sont aussi des petist bijoux.  

Cette phrase m'a particulièrement touchée, car c'est vrai, nous nous sentons tellement invincibles quand nous amoureux... Rien ne nous prépare jamais à la maladie ni à la mort : " L'amour leur avait toujours semblé une immunité suffisante contre les mauvais tours du destin. "

Une lecture poignante, que l'on soit, ou non, touché par cette maladie.

Un tout grand merci à Brize pour ce livre voyageur et à Krol d'avoir accepté de lui faire traverser la frontière !

Céline

"Méridien de sang", Cormac Mc Carthy

Amérique du Nord 1850, un adolescent s’engage dans une troupe de mercenaires payée (au scalp!) pour tuer des indiens dans le désert américano-mexicain.

C.MacCarthy est certainement l’un des grands écrivains américains du 20^e siècle.  2 films récents s’inspirent de ses livres : « La route » et « No country for old men ».

Il s’agit d’une sorte d’odyssée sauvage et vaine, ultra violente et initiatique (mais à quoi ?). Pour le lecteur l’expérience n’est pas facile : le style est ardu. Mais il faut absolument se laisser prendre par le rythme hypnotique de McCarthy : ses longues phrase évoquant le balancement de la lente randonnée à cheval ; par le plaisir de creuser ses métaphores au sens parfois abscons mais qui se déchiffrent avec la joie du chercheur d’or ; par cette violence brute, non magnifiée, présentée comme un élément d’une nature totalitaire. Cette nature et les hommes qui l’habitent sont exposés comme une succession de tableaux dont le point de vue varie : on passe d’une vision large (celle de l’auteur ?) comme peint vue du ciel au point de vue de l’adolescent, froid et incisif.

Bref un grand livre épique et pictural qui ne resterait qu’un exercice de style s’il n’y avait les personnages. Je défie tout lecteur de ne pas se laisser séduire par ce monstre de « juge ». La fin sombre clairement dans l’onirique et je suis près à en discuter l’interprétation avec qui veut.

Dad

 

"En un monde parfait", de Laura Kasischke

     Pour Jiselle, hôtesse de l'air célibataire de 32 ans, une nouvelle vie commence lorsque Le beau capitaine Mark Dorn lui demande de l'épouser. Ce veuf convoité et père dévoué de trois enfants ne saurait que l'arracher à son quotidien fait de solitude et de récriminations incessantes des passagers. Mais après le voyage de noces, le quotidien de belle mère au foyer, avec un mari sans cesse absent, est loin de l'idylle qu'elle avait fantasmé. Surtout que les orphelins de Mark, deux filles adolescentes et un petit garçon, ne ménagent pas toujours cette femme qui entend prendre la place de leur mère décédée. Alors que Jiselle tente de s'adapter à sa nouvelle existence au foyer, une grippe étrange et incurable s'abat sur les Etas-Unis et décime la population. La famille à peine recomposée va devoir s'organiser pour survivre.

  Malgré le thème plus apocalyptique que ceux de ses précédents romans, Laura Kasischke passe une fois de plus le rêve banlieusard américain au crible de son oeil acerbe. Mais le contexte dans lequel elle place cette famille donne à son propos une force toute nouvelle. Rien de plus spectaculaire dans ce récit que dans les autres donc, mais les descriptions sensuelles, la traque des infimes détails qui font basculer notre quotidien, tous ces procédés chers à l'auteur instaurent un climat de terreur qui nous happe et de nous lâche qu'à la toute dernière page. J'ai retrouvé avec plaisir le style poétique de Laura Kasiscke qui frôle souvent l'horreur sans jamais s'y plonger. Il m'a toutefois manqué quelque chose dans ce récit, un lien plus fort entre les scènes qui aurait rendu l'histoire véritablement crédible à mes yeux.

  Malgré son acuité, En un monde parfait ne m'a pas procuré autant de plaisir et d'effroi que la lecture d'A moi pour toujours...

Céline

"L'armée furieuse", de Fred Vargas

   Après trois ans d'absence, quel plaisir de retrouver Adamsberg et sa brigade. Danglard, toujours aussi cultivé et mou, Retancourt dans les bras de laquelle on disparaitrait bien pour se sentir protégé du monde extérieur, Veyrenc, ses mêches rousses et ses mauvais vers... 

  Deux enquêtes attendent l'équipe de policiers. A Paris, une voiture brûle et tue le dirigeant d'une grande entreprise française. Momo-mêche-courte, jeune incendiaire révolté, est aussitôt accusé... Parallèllement, l'apparition de l'armée furieuse, cohorte de revenants prédisant la mort, va amener Adamsberg dans une petite ville de Normandie.

  Je me suis laissée bercée d'un bout à l'autre de ce Fred Vargas... L'intrigue est très bien menée et le dénouement m'a vraiment prise de court, preuve qu'après tous ces opus, l'auteur parvient encore à me surprendre. Son sens du détail et des descriptions est toujours bien présent, et elle ajoute juste ce qu'il faut de fantaisie à ces situations et ces personnages pour les rendre crédibles et amusants. Par contre, je trouve que ces portraits tendent à être moins fouillés qu'auparavant, et ses personnages, bien que touchants, ne me paraissent plus aussi vivants. Du coup, les anciens me manquent, et je me suis une fois de plus languie de Camille, des historiens et même du jeune fils d'Adamsberg...

  J'ai tout de même refermé les pages complètement sous le charme d'Adamsberg, de ses pensées flottantes et de son visage brouillon.

Céline

"Les assoiffées", de Bernard Quiriny

   En 1970, une révolution féministe a transformé la Belgique en un pays totalitaire, exclusivement dirigé par des femmes. Les frontières se sont fermées depuis lors et les voisins frontaliers ne peuvent qu'imaginer la vie idyllique que mènent les belges libérées du joug masculin. Alors, quand Gould, intellectuel français et personnage public, parvient à y organiser un voyage officiel avec d'autres confrères et consoeurs, c'est l'évènement ! Mais l'existence est-elle vraiment douce quand le sexe faible devient fort ?

   Contre-utopie, uchronie, satire, ce roman mélange bien des genres, mais c'est celui de farce qui me semble être prédominant. Pour décrire cet état totalitaire, Bernard Quiriny mêle le récit d'une belge qui tient son journal et celui des visiteurs. Les points de vue interne et extérieurs nous mènent à la découverte de cette Belgique imaginaire tout en s'opposant... L'humour et la caricature sont omniprésent, et j'ai souvent bien ri !

  Le récit n'est par contre pas assez fort pour réellement faire passer un message sur le totalitarisme. Je pense que l'auteur a surtout voulu montrer l'aveuglement des intellectuels face aux différentes dictatures de notre siècle, mais il ne parvient pas vraiment à démontrer un point de vue. Les personnages sont trop bouffons et les situations bien souvent trop grotesques pour que l'auteur nous fasse croire au sérieux de son propos.

  Reste un très bon diverstissement !

 

Lu dans le cadre du challenge littérature belge !

        

Céline

"Apocalypse bébé", de Virginie Despentes

  Valentine, ado un peu paumée, franchement nympho, fille d'un écrivain sur le déclin, a disparu. Lucie, quarantenaire aigrie, d'une banalité telle qu'elle en devient souvent transparente, était chargée de la filer en douce. Alors forcément, elle se retrouve avec l'enquête sur le dos. Désemparée par l'ampleur de sa tâche, elle fait appel à une privée, "La Hyène", personnage connue et craint, lesbienne trash doté d'un sixième sens.

  Les premières pages du roman m'ont littéralement hâpée. C'est qu'elle sait raconter des histoires Virginie Despentes. Elle y met ce qu'il faut d'humour, d'action, de suspense et de violence pour que l'on ne puisse décrocher de son récit. Comme souvent dans ses romans, tout le monde en prend pour son grade : les bobos, les altermondialistes, les écrivains, les gosses de riches en perdition, les jeunes fachos, les intégristes... Ses portraits taillés au couteau tombent souvent juste et l'ont rit jaune de parfois de retrouver sous certains traits. Le regard de Virginie Despentes n'est pourtant pas dénué de tendresse, et l'on s'attache aux personnages, souvent plus paumés que méchants. Pendant quelques 250 pages, l'alchimie est créé, le lecteur se sent en fusion avec l'auteur ; road book, polar, satire sociale : le récit fonctionne.

  Mais malheureusement il y a la chute, une vraie dégringolade. A croire qu'elle ne parvenait pas à s'en dépêtrer, de son histoire. L'apparition de la bonne soeur, personnage trop peu crédible, signe la fin de l'émerveillement. S'en suit alors une suite d'actions en cascade et un délire paranoiaque sans queue ni tête. Je ne remet pas en cause les choix du récit de l'auteur, mais son incapacité à nous les rendre possibles, réels. Les dernières pages m'ont semblés bâclées, pas du tout à la hauteur des premières. Du coup, on se sent un peu floué en refermant le livre, on voudrait en savoir plus.  

  Par contre, j'ai été merveilleusement surprise par l'écriture de Despentes. J'avais toujours aimé sa plume affutée, trash et acerbe. Sans avoir rien perdu de son mordant, l'auteur y a ajouté de vrais moments de poésie, presque lyrique. Le travail de Virginie Despenstes (4 ans pour écrire ce roman), sert parfaitement son talent.

Céline