Jeudi soir j'ai eu la chance de rencontrer, enfin plutôt d'écouter Virginie Despentes au Théâtre 140 à Bruxelles. L’événement a été sold out en quelques jours seulement, et l'on peut dire que son public déjà acquis l'a accueillie comme une rock star.
Quand mon homme m'a fait découvrir Virginie Despentes, j'avais entendu parler de Baise-moi mais je savais déjà que le livre comme le film seraient trop trashs pour moi. Alors forcément, lire Teen Spirit et Bye Bye Blondie m'a surprise. J'ai été immédiatement sous le charme de cette plume tendre et acérée, de ce regard juste et sans concession mais avant tout tellement humain.
Et puis elle a écrit King-Kong Théorie, et je crois que pour la première fois grâce à elle j'ai eu le sentiment d'appartenir, d'une certaine façon, à la communauté des femmes. Adolescente je me sentais loin de tous ces codes féminins, je n'ai jamais su me maquiller, porter des talons, on m'a reproché tour à tour un rire trop fort, un look de garçon de manqué, trop de dispersement amoureux. Fort heureusement ce flicage social s'est estompé au sortir du lycée mais j'en avais gardé une certaine méfiance vis à vis des groupes de filles en général. Et à ce moment, ses mots ont été d'un incroyable réconfort, et m'ont permis pour la première fois d'analyser ce mécanisme de domination qui est véhiculé souvent par les femmes elles-mêmes, par le regard qu'elles portent les unes sur les autres.
A l'âge adulte je traîne finalement surtout avec des filles, toutes différentes mais incroyablement libres dans leurs façons de penser et sans jugement. Le genre d'amie qui creuserait le trou au besoin sans poser de questions. Je lis principalement des auteurs masculins, mais seules certaines écrivaines ont su me transmettre un tel réconfort par le simple pouvoir des mots. Joyce Maynard, Rosa Montero, Kathleen Winter, Anne Percin, Jeanette Winterson, Virginie Despentes.
Elle expliquait jeudi que King Kong Théorie avait marqué un tournant dans la réception de ses livres, que les gens avaient compris pourquoi elle écrivait, et l'avaient jugé ensuite avec plus de bienveillance. C'est sûrement vrai en tous cas elle a su créer avec ce livre une intimité évidente avec le lecteur.
Ce qui est dingue avec Virginie Despentes, c'est à quel point son féminisme est englobant. Elle touche aussi bien la punkette que la bobo, le banquier que la femme au foyer, le dévoreur de livre que celui qui en lit un par an, le mec qui vote Fillon que celui qui vote Mélanchon. Vernon doit certainement son succès à cet aspect assez universel, sa capacité à saisir les enjeux de notre société et des personnages qui l'habitent.
Virginie Despentes réussit ce pari un peu fou d'être à la fois révoltée et empathique.
Elle est face à son public comme dans son écriture, généreuse, drôle et frappe toujours juste. On sent son refus de tout élitisme intellectuelle, et sa façon de transmettre est limpide, comme elle le dit, à portée de curiosité. Je n'ai pris aucune note, aucune photo et je ne pourrais pas vous retranscrire cette heure et demi foisonnante mais je cite juste les toutes premières phrases de King Kong Théorie, à priori les seules qui lui semblèrent évidentes dans toute sa carrière d'écrivaine :
"J'écris de chez les moches, pour les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, les hystériques, les tarées, toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf. Et je commence par là pour que les choses soient claires : je ne m'excuse de rien, je ne viens pas me plaindre. Je n'échangerais ma place contre aucune autre, parce qu'être Virginie Despentes me semble être une affaire plus intéressante à mener que n'importe qu'elle autre affaire."
Pas de dédicace après l'interview, je n'aurais pu l’apercevoir que de loin mais l'essentiel, ses mots, étaient au rendez-vous.
Pour couronner le tout j'ai partagé cette soirée avec deux merveilleuses amies (et une troisième en pensée), qui, chacune à leur façon, me rendent heureuse d'appartenir à la gent féminine.
Céline
Les commentaires récents